Quand un DPE faussé justifie la démolition d’un quartier

En février 2022, les FSM, la Ville de Fontainebleau, et l’État ont signé un accord ambitieux d’urbanisme. Pourtant, le quartier de la Plaine de Chambre est sous le choc, les 130 logements sociaux étant soudainement qualifiés « d’irrécupérables » par les FSM. Entre autres, on peut y lire que « Le site de la Plaine de la Chambre présente une configuration urbaine et des réseaux le rendant impropre à la réhabilitation : la recherche de compacité dans une zone du péricentre, la requalification environnementale et thermique du site, justifient d’y proposer une opération de démolition-reconstruction », ou encore « Le patrimoine ne peut plus être rénové. ». Pour le directeur patrimoine des FSM, David Magalhaes, il n’y a pas de doute : « Au titre de la loi, ce sont des passoires thermiques. La réalité économique n’est pas viable pour des rénovations. »

Le Maire confirme l’urgence en se basant sur les propos des FSM. Cependant, la réalité semble différente pour les habitants qui trouvent leurs logements plutôt agréables malgré le manque d’entretien des FSM. Le problème réel réside dans l’absence de ventilation, résultat des travaux effectués par les FSM mêmes il y a 17 ans, non dans la vétusté des logements comme l’atteste le Maire de Fontainebleau !

Aucune passoire thermique, parfaitement rénovable

Les recherches approfondies du Collectif révèlent une réalité bien différente. Un DPE de classe F fourni par les FSM s’est avéré erroné lors d’une contre-expertise indépendante. De plus, un audit énergétique par la société Adekwatt Energies démontre une consommation énergétique deux fois inférieure à l’évaluation des FSM, classant les logements en catégorie D. Le diagnostiqueur des FSM a donc établi un diagnostic erroné. Comment imaginer que les FSM ignoraient qu’ils avaient eux-mêmes fait isoler plancher et combles il n’y pas si longtemps ?

En outre, l’audit propose des améliorations pour une rénovation viable, coûtant entre 12 000 et 18 000 € par logement. Une alternative bien plus économique que la démolition/reconstruction soutenue par les FSM. De plus, cette dernière va à l’encontre des objectifs écologiques de « Fontainebleau en Transition », produisant des déchets considérables et libérant une quantité importante de CO2.

L’audit énergétique qui dit tout

Un audit énergétique a été réalisé par l’entreprise Adekwatt Energies, un bureau d’études thermiques francilien spécialisé dans l’efficacité énergétique du bâtiment, à la demande d’une locataire des logements gérés par les FSM. Cet audit fournit une évaluation précise de la performance du logement en termes d’isolation thermique et de consommation énergétique. L’audit utilise des images thermiques (infrarouge), ce qui permet de détecter et localiser avec précision les déperditions thermiques et autres problèmes d’isolation.

L’audit est ainsi bien plus précis qu’un simple Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), car il examine la structure du bâti, la qualité de l’isolation et des équipements du logement. La conclusion de l’audit est sans appel : une consommation énergétique deux fois moindre que l’analyse approximative fournie par le diagnostiqueur des FSM. Le DPE obtient la catégorie D. En absence de preuve du contraire, cette catégorie est applicable à tous les logements sociaux du quartier de la Plaine de la Chambre, construits à la même époque sur des bases identiques et tous rénovés de manière similaire.

De plus, l’audit énergétique propose des améliorations pour accroître la qualité des logements, ainsi qu’une estimation des coûts. Des recommandations sont formulées pour l’isolation par l’extérieur des murs et l’installation d’un système de ventilation mécanique contrôlée (VMC) hygrométrique, afin de remédier aux problèmes d’humidité introduits par la rénovation en 2006 effectuée par les FSM, de manière précipitée et à moindre coût. Ces travaux, qui permettraient d’élever la classification des logements à la catégorie C, représenteraient un coût estimé entre 12 000 et 18 000 € par logement. Un montant dérisoire comparé aux coûts d’une opération de démolition/reconstruction, d’autant plus que de tels travaux sont généralement soutenus par des subventions d’État.

Problème de ventilation… créé par les FSM

Les interventions successives réalisées par les FSM, telles que répertoriées par les auditeurs énergétiques, ont considérablement altéré la ventilation des habitations :
  • L’étanchéification des logements en 2006 a eu pour effet pervers de compromettre la circulation d’air naturelle. Cela inclut le remplacement de la fenêtre en simple vitrage bois de la salle de bain par des pavés de verre maçonnés, la transformation du balcon en loggia, et le remplacement des vitrages bois par des fenêtres en double vitrage PVC. Les travaux d’isolation intérieure de la cuisine et de la loggia en 2020 ont accentué cette étanchéification.
  • La suppression de la sortie d’air en cuisine a résulté du remplacement de la chaudière gaz traditionnelle, qui servait de sortie d’air haute, par une chaudière étanche de type C avec un conduit à « ventouse » en 2008.
  • L’isolation des combles en 2016, sans frein vapeur apparent, a été accompagnée de la suppression des conduits de sortie de ventilation dans les WC et la salle de bain.
En résumé, bien que des entrées d’air soient présentes dans les pièces humides et en loggia, l’absence de sorties et la série de travaux renforçant l’étanchéité ont gravement compromis l’efficacité du système de ventilation. Le choix des FSM de ne pas installer de Ventilations Mécaniques Contrôlées (VMC) est surprenant, et explique les plaintes de certains habitants concernant la moisissure et l’humidité. La ventilation actuelle des logements est donc inefficace, entraînant des risques d’insalubrité. Il est frappant, voire consternant, d’entendre aujourd’hui les FSM et les élus se servir de ce problème de ventilation, causé par leurs propres interventions, comme justification à la démolition du quartier. D’autant plus que des solutions simples et abordables existent.

Conclusion

Le projet de démolition des 130 logements sociaux de la Plaine de la Chambre est justifié, par les FSM et soutenu par le Maire de Fontainebleau, par l’insalubrité des habitations. Il s’agirait des « passoires thermiques », impropres à la réhabilitation, impossibles à rénover et bientôt interdites à la location. Le Collectif conteste vigoureusement cette analyse :

  • Les logements ne sont pas des passoires thermiques. Avec un DPE de catégorie D, leur classe énergétique fait partie de la plus répandue en France : ni mauvais, ni performants, et assez facilement transformables en logement de classe C voire B.
  • Le DPE fourni par les FSM est mensonger, ne tenant pas compte des isolations existantes et de la qualité réelle des constructions.
  • La rénovation est viable et économiquement avantageuse : isoler par l’extérieur et installer des VMC pour des logements d’environ 55 m² coûterait entre 12 000 et 18 000 € par logement. En comparaison, la démolition/reconstruction atteindrait au moins 140 000 € par logement, démentant l’argument économique d’une rentabilité impossible avancé par les FSM.

Par ailleurs, le secteur de la construction-démolition est l’un des plus grands producteurs de déchets et libère une quantité très considérable de CO2, stockée à la fois dans les bâtiments existants et dans la végétation qui a pris racine il y a 70 ans. Sachant qu’une rénovation est techniquement possible et financièrement abordable, un projet de démolition/reconstruction s’avère être un non-sens écologique, en contradiction totale avec les ambitions de « Fontainebleau en Transition », visant une réduction des émissions de la ville de 40 % d’ici 2030.

Ce projet serait une opération coûteuse et incohérente sur le plan énergétique, urbanistique et écologique. Le projet actuel est aussi un désastre social et financier pour les locataires actuels. La Cité-Jardin de la Plaine de la Chambre mérite d’être préservée et réhabilitée.

Le Collectif souhaite un moratoire immédiat de ce projet d’urbanisme et presse pour l’instauration d’un dialogue authentique entre les élus et les citoyens.

Par suite de la loi ELAN du 23 novembre 2018, un DPE est opposable, ce qui signifie que, en cas d’erreur ou de manquement avérés, le propriétaire et le diagnostiqueur s’exposent à des sanctions pénales. Avec le soutien du Collectif, une démarche judiciaire pourrait être envisagée en vue de l’annulation du projet et/ou d’une indemnisation financière pour l’ensemble des locataires, y compris ceux qui ont déjà été relogés.

La Plaine de la Chambre ne peut être le théâtre d’une manœuvre immobilière déguisée en urgence sociale, visant simplement à libérer du foncier pour des promoteurs, qu’ils soient sociaux ou non. Ce sont la logique, la transparence, le dialogue et la préservation de l’environnement qui doivent guider l’avenir de Fontainebleau. 

1 réflexion sur “Quand un DPE faussé justifie la démolition d’un quartier”

  1. Isabelle Olzenski

    Un proverbe dit « quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage ». Les manœuvres des FSM vont bien dans ce sens au mépris des habitants et des preuves rigoureuses apportées par le Collectif. L’immobilier a toujours était pourvoyeur de juteux profits généreusement distribués …. (enfin pas aux priciaux intéressés). I. Olzenski

Laisser un commentaire